Saturday, February 25, 2023

Comment s'est formé la Belgique ?

C'est une longue histoire. La Belgique est un pays relativement jeune, mais qui n'est pas sorti du sol du jour au lendemain.

A l'époque romaine, "Belgium" était une partie de la Gaule. A noter qu'à cette époque la frontière sud de la Belgique passait à quelques kilomètres au nord de Paris. Mais rassurez vous, les Belges n'ont pas de revendications territoriales et n'envisagent pas de reconquérir le nord de la France (du moins pas pour le moment).

Après la chute de l'empire romain, la Gaule a été envahie par des peuples germaniques, principalement les Francs qui ont donné leur nom à la France. Très tôt s'est alors formé ce qu'on appelle la frontière linguistique qui coupe aujourd'hui la Belgique en deux. Au nord de cette frontière, les peuples autochtones ont adopté la langue des envahisseurs ce qui a donné plus tard le néerlandais. Au sud de cette frontière, c'est l'inverse qui s'est produit: les envahisseurs ont adopté la langue des autochtones qui parlaient une forme de latin. Ce "latin vulgaire" est ensuite devenu le français.

Les linguistes et historiens débattent toujours sur la raison de cette séparation linguistique, sachant qu'il n'y avait pas de différences fondamentales entre les peuples de part et d'autre de cette ligne. Habituellement, une frontière linguistique se forme à des endroits où des peuples sont séparés soit par différentes entités étatiques, soit par des barrières naturelles. Or, dans ce cas précis il n'y avait ni l'un, ni l'autre. On a longtemps pensé que la Forêt Charbonnière (dont reste aujourd'hui la magnifique Forêt de Soignes dans la banlieue de Bruxelles) formait cette barrière, mais on sait aujourd'hui que cette forêt s'étendait du nord au sud et non pas d'est en ouest. Selon une autre théorie, la frontière linguistique correspondrait à la route romaine qui reliait Boulogne-sur-Mer à Cologne, mais on a du mal à imaginer une route comme une barrière infranchissable.

La partie de la Gaule que les Romains appelaient Belgium a subi le même sort que le reste de la Gaule. Après avoir été unie sous le règne de Charlemagne, la région a été divisée en une quantité de comtés et de duchés. Entre autres: le comté des Flandres, le duché du Brabant, le comté de Hainaut, le comté de Hollande, le duché de Gelre, le comté de Zélande, le comté de Limbourg, le comté de Luxembourg etc. Formellement, ces entités étaient vassal, soit du roi de France, soit de l'empereur allemand. Dans les faits, ils avaient une large autonomie et n'hésitaient pas à prendre les armes contre leur souverain si celui-ci devenait un peu trop insistant, comme Philippe le Bel a pu le constater en se prenant une raclée par les Flamands à Courtrai en 1302: haut fait d'armes de l'histoire flamande où on oublie un peu vite que les Brabants (néerlandophones) se battaient du côté des Français et le Hainaut (francophone) avec les Flamands. La langue n'avait pas grand chose à voir là dedans.

Tout a changé au 14ème-15ème siècle quand ces comtés et duchés sont tombés sous la coupe des ducs de Bourgogne. Les Bourguignons rêvaient de créer un puissant état entre la France et ce qu'on appelle aujourd'hui l'Allemagne. Surtout les ducs Philippe le Bon et son fils Charles le Téméraire avaient compris que pour cela il fallait unir les différentes parties de leurs pays. Grâce à l'argent de la très riche Flandre ils menaient une politique d'indépendance vis à vis de leurs souverains nominaux, le roi de France et l'empereur allemand.

Après la mort de Charles le Téméraire, la Bourgogne elle-même revient dans le giron de la France, mais pas les possessions des ducs de Bourgogne dans le Nord. Suite à une habile politique de mariages, cette partie a été récupérée par les Habsbourg, dont l'empereur Charles Quint (né en Flandre) était le souverain le plus illustre. Charles Quint établit une "pragmatique sanction" par laquelle il unit les anciennes possessions bourguignonnes du nord. Ces régions seront dorénavant connues comme "les Pays-Bas" et regroupent la plus grande partie de ce qui est aujourd'hui la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg. Pour la première fois, les anciennes comtés et duchés formaient une et même entité. Ce n'est pas encore le Benelux, mais ça commence à y ressembler.

Mais sous Philippe II, le fils de Charles Quint et roi d'Espagne ça commence à se gâter. Sous la répression espagnole une révolte éclate. Le nord fait sécession et devient la république des Provinces Unies (futures Pays-Bas), le sud restera espagnol.

Regardons maintenant le nom Pays-Bas qui indiquait donc les anciennes possessions bourguignonnes dans le nord. Sur les cartes de cette époque, où on préférait le latin, on avait ressorti le nom "Belgium". Donc Belgium = Pays-Bas. Dans la langue de tous les jours on utilisait Pays-Bas, mais problème: comment on forme l'adjectif de ce mot? Pays-basien? Paysbasique? A qu'à cela ne tienne, on n'a qu'à former l'adjectif à partir du mot latin: Belgium - Belgique. Petit à petit, quand on parlait des Pays-Bas du Sud on disait: les états belgiques. Et voilà, le tour était joué. A l'origine "Belgique" n'était rien d'autre que l'adjectif de "Pays-Bas".

Les Pays-Bas du Sud passaient du joug espagnol à celui de l'Autriche pour être conquis ensuite par les révolutionnaires français et intégrés à l'empire français par un certain Corse au caractère coléreux

Après Waterloo, les Anglais voulaient créer un état tampon fort pour contrôler la France. Pour cela ils unissaient les deux Pays-Bas (ceux du nord et du sud) en un seul royaume. Mais après des siècles de séparation, les estomacs belges étaient incapables de digérer les fromages hollandais et en 1830 une révolution les a renvoyés à Amsterdam, non sans un peu d'aide de baïonnettes françaises (merci les gars) et en y laissant quelques plumes (les Hollandais conservaient la Flandre Zélandaise, la moitié du Limbourg et la moitié du Luxembourg (qu'ils perdront plus tard et qui deviendra le petit pays qu'on connait maintenant).

Et voilà, la Belgique était enfin née après une grossesse de 2000 ans. La maman (française) et le papa (hollandais) se portent bien, mais ils se demandent toujours ce qui leur est arrivé. Mais au moins leur enfant est bilingue (et même trilingue, car le tonton allemand a aussi laissé quelques graines dans l'est)

No comments: