Wednesday, June 19, 2024

Comment voyez-vous l'avenir de l'Europe ?

 · 
Suivre

Comment voyez-vous l'avenir de l'Europe ?

L’avenir que je pressens ? Déjà, hélas, le probable dérèglement écologique et climatique contre lequel Hugo Durand-Mermet nous met en garde ; certes, la plupart de ces problématiques ne sont pas spécifiquement européennes. Mais, du point de vue politique, je redoute un pourrissement de l’intérieur. Un chacun-pour-soi de plus en plus généralisé.

D’abord entre les pays. La solidarité européenne deviendra de plus en plus théorique : on l’a bien vu avec le problème des migrants. Mais ça n’aboutira pas à une dissolution de l’UE. Aujourd’hui personne n’y a intérêt : ni les Européens évidemment, ni même les Etats-Unis (malgré ce qu’imaginent Trump et les illuminés qui gravitent autour de lui) ou la Chine, pour l’instant. Si elle disparaissait maintenant, la dissolution de l’Union soviétique (la plus grande catastrophe géopolitique du 20° siècle selon Vladimir Poutine) semblerait une partie de plaisir.

C’est plutôt que l’Europe se videra de son contenu. Pour masquer ces divergences de plus en plus grandes, les institutions européennes vont multiplier les postures et les effets d’annonce fédéralistes (genre : création d’une autorité européenne de ceci, d’un ministère européen de cela, et d’un budget européen de trucmuche), voire des mesures censées promouvoir l’esprit européen mais limitées en pratique à une clientèle déjà acquise (genre : de nouvelles mesures permettant aux très riches, très instruits et très bien connectés de changer encore plus facilement de pays). Tout ceci va encore plus exaspérer la majorité des citoyens contre les institutions européennes, voire l’idée d’Europe.

Je redoute aussi le pourrissement et le chacun-pour-soi dans la plupart des sociétés européennes elles-mêmes, de la Hongrie à la France et à l’Italie, en passant par l’Allemagne… Rejet de l’étranger bien sûr, mais aussi sécession des riches

 refusant de plus en plus de payer l’éducation et la santé des classes inférieures et moyennes-inférieures, sans parler du chômage. L’ennui est que, pour l’instant, l’Union européenne ne contrarie pas vraiment ce mouvement, au nom de l’efficacité économique ou de la compétitivité.

L’avenir que je souhaite ? Laisser tomber, justement, l’illusion fédéraliste. Personnellement, je penche pour une confédération : un groupement d’Etats souverains qui décident de regrouper certaines compétences et certains pouvoirs, pour être plus efficaces, faire des économies d’échelle, ou peser davantage sur la scène internationale.

Je préférerais que l’Europe se concentre sur certaines missions :

  • la culture et l’éducation — Erasmus est un exemple de ce qui marche vraiment bien ;
  • la coordination dans une certaine mesure des politiques étrangères, tout en laissant les Etats poursuivre leurs relations traditionnelles : Amérique latine pour l’Espagne, Afrique et monde arabe pour la France, Europe orientale pour l’Allemagne… ;
  • la protection du consommateur — à condition de s’attaquer aux véritables profiteurs et parfois empoisonneurs, les grosses multinationales, et non les petits producteurs et paysans qui ne peuvent se payer le luxe d’un changement de norme tous les cinq ans ;
  • la protection du producteur : imposer des droits sociaux, empêcher le nivellement par la base, la course à l’échalote de “l’attractivité” fiscale pour les grosse multinationales (encore elles) ;
  • la négociation d’accords commerciaux avec les grands pays (Etats-Unis, Chine) ou les autres unions économiques régionales (Mercosur…), fondés là aussi sur la protection de consommateur et du producteur européens et non le profit à tout prix ou le dogme libre-échangiste…

Une confédération qui marche vaut mieux qu’une fédération avortée ou impopulaire. Il faut évidemment améliorer les institutions confédérales (la Commission est très mal conçue), plutôt que leur donner toujours plus de pouvoir, puis de compenser ce transfert par des magouilles inter-gouvernementales sordides.

Une confédération sera bien plus robuste qu’une fédération. Elle absorbera plus facilement la “crise d’adolescence” que vivent actuellement certains pays d’Europe centrale. Je ne vois pas que la solution consiste à expulser ces pays de l’Union européenne. Ni à créer un “noyau dur” dont ils seraient exclus, et qui serait appelé à devenir la “vraie” Europe. Les Européens de l’Ouest ne sont pas “supérieurs” aux autres. Ils doivent pas croire qu’ils sont les seuls vrais Européens, les meilleurs Européens.

Merci pour la D2R Gérard Briais. C’est ma deux centième réponse en français !

Notes de bas de page

[1] 1985-2017 : quand les classes favorisées ont fait sécession 

No comments: